LÄNDER : polysémie du paysage
Par Marion Duquerroy le mercredi 12 octobre 2011, 10:29 - Expositions - Lien permanent
"LÄNDER : polysémie du paysage" : derrière ce titre se cachent deux jeunes commissaires fraichement diplômées. Pour leur première proposition d’exposition à l’Ecole européenne supérieure d’art de Bretagne – site de Rennes - Elsa de Smet et Jodène Morand décident de s’attaquer au sujet gargantuesque qu’est le paysage. Alors que l’art du paysage en tant que production picturale semblait être immuable dans ses caractéristiques, les artistes contemporains prouvent qu’il n’en est rien. Face à une société toujours changeante, à la course du progrès, à la désindustrialisation, à l’urbanisation de masse mais aussi aux problèmes environnementaux, aux catastrophes soit naturelles soit produites par l’activité humaine, comment alors réfléchir ce paysage, s’y inclure et le construire.
Car le paysage, nous rappellent les commissaires, est bien une construction intellectuelle, une vision esthétique de la nature passée par le prisme de notre identité singulière mais aussi par celui d’une certaine culture. Dans les années 1990, ce concept sera mis en mots par le philosophe Alain Roger sous le terme d’artialisation. Cette exposition n’est en rien l’illustration de ce qu’est le paysage aujourd’hui – la tâche serait prétentieuse autant qu’impossible – elle est plutôt un ensemble de pistes, de réflexions protéiformes sur ses possibles représentations. Lieux de tous les possibles donc dans lequel la photographie à la part belle avec les œuvres de Luc de Fouquet, George Dupin et Constance Nouvel parmi les dix jeunes artistes, pour la plupart sortis récemment des Beaux Arts. Presque dans un sentiment d’urgence, Luc de Fouquet arpente les zones urbaines et périurbaines à la recherche de ce paysage entre-deux, en devenir. Focalisant son attention sur les petits riens, sur les balafres à gommer – un trou de construction sur une route, des dégâts sur un site – il cartographie ces espaces, mélange de naturel et de bâti. « Les photographies présentées ici font acte d’un moment donné, elles s’inscrivent dans une démarche d’archives, presque documentaire et agissent en tant que témoins visuels de l’état d’un paysage »[1]. Les clichés, telles les affiches qui envahissent l’espace urbain, sont finalement collés à même le mur du très joli cloitre servant de lieu d’exposition. George Dupin tente lui aussi de tendre vers une représentation objective et réaliste du paysage. Et c’est bien par cette tentative même qu’il prouve le contraire en dévoilant directement ce théâtre qu’est le paysage : une construction. Ces images sont des vedute, fenêtres ouvertes sur l’extérieur, nous montrant brutalement et dans un cadre précis une certaine appréhension du monde. Constance Nouvel prend le contre-pied et décide de nous révéler aux multiplicités de ce paysage. L’image, prise de vue d’un coucher de soleil sur la mer au rendu très pictural, est au premier abord classique et académique. Cependant l'artiste complique l’exercice en appliquant par-dessus des films teintés. Interfaces (2000). D’une lecture de gauche à droite le paysage est sombre et crépusculaire pour finalement s’éclaircir et nous inviter au voyage ; il fait simultanément varier nos sentiments et nous rappelle que de tout temps il fut, avec ses variations, source d’inspiration.
Hors territoire photographique, les vidéos de Donald Abad valent le coup d’œil avec un travail original et teinté d’humour sur les nouvelles techniques déambulatoires et de communication. Ici chargé d’un chevalet il part sur les traces du Group of 7 redécouvrant le paysage canadien et son fictif pittoresque ici, à bord d’un canoë, il trace des lettres guidé par un GPS.
LÄNDER, Polysémie du paysage (Donald Abad, Olivier Chiron, Luc de Fouquet, George Dupin, Rémi Mort, Eva Nielsen, Constance Nouvel, Renaud Perriches, Lucien Rudaux, Edouard Wolton), École Européenne supérieure d’art de Bretagne – site Rennes – du 28 septembre au 21 octobre 2011.
Illustration: Constance Nouvel, Interfaces, 2011, tirages argentiques sous diasec et films teinté, 78x110 cm.
Notes
[1] Elsa de Smet, Jodène Morand, dossier de presse.